L’asthme sévère suscite de multiples interrogations en raison de sa complexité. Appuyé par les propos du Pr Antoine Magnan, chef de service de pneumologie à l’hôpital Foch à Suresnes, la Gregory Pariente Foundation (GPFD) association de patients dédiée à l’asthme de l’adolescent, présente en 10 points clés pourquoi il est nécessaire de mieux la contrôler en cette période où la vigilance est double. En effet, le risque d’exacerbations asthmatiques automno-hivernales se télescope à l’épidémie de Covid.
"Non pas un mais des asthmes sévères ; La maladie n’est pas univoque, loin de là ! Il existe différents types d’asthme ; Le moins connu regroupe ce qu’on appelle les asthmes sévères qui représente environ 5% des asthmes. Cela fait 300 000 patients environ. Mais tous ne sont pas éligibles à une biothérapie" précise le Pr Antoine Magnan.
La quasi-totalité des asthmatiques sévères ressentent presque quotidiennement des symptômes qui génèrent dans leur vie beaucoup d’obstacles. "Cette forme d’asthme se manifeste par des troubles respiratoires majeurs ; Les patients sont tout le temps essoufflés et présentent un handicap quasi permanent avec des conséquences néfastes sur la vie quotidienne, certains ne peuvent même plus travailler." explique le Pr. Antoine Magnan et le Dr. Carine Favre Metz (Pneumo-pédiatre-Hôpital civil de Strasbourg) d’ajouter concernant plus spécifiquement les jeunes que "Cette forme d’asthme altère de façon majeure leur qualité de vie, le plus souvent ils ne peuvent pas avoir une activité physique comme leurs camarades, sont essoufflés au cours de leur déplacement scolaire, toussent en classe et ont une année scolaire perturbée par des absences répétées du fait des exacerbations de cette maladie chronique. Cet asthme s’il reste non contrôlé, peut également leur fermer certaines voies professionnelles".
Pierre Pariente, fondateur de la Gregory Pariente Foundation (GPFD) témoigne : "Dans la nuit du 22 au 23 mars 2013, mon fils Gregory est décédé d’une crise d’asthme aigüe grave aussi brutale que rapide. Il avait 14 ans". Le Pr. Magnan précise qu’au niveau national "Le nombre de décès annuels est compris entre 850 et 950 et les adolescents ne sont pas épargnés ; En France, un adolescent toutes les trois à quatre semaines meurt d’une crise d’asthme aiguë grave ou sévère selon Santé Publique France, dont les trois-quarts avant d’être arrivés aux urgences. Les trois-quarts ne suivaient pas bien leur traitement".
Comme le rappelle le Pr. Jocelyne Just, chef de service d’allergologie pédiatrique à l’hôpital Trousseau-Paris "En France, les allergies respiratoires touchent 25 % de la population générale et 80 % des asthmes de l’enfant sont d’origine allergique. Si un enfant n’est pas dépisté allergique dès le plus jeune âge, “la marche de l’allergie”, évolution classique des symptômes de l’allergie chez l’enfant peut se mettre en route. Celle-ci se traduit par une dermatite atopique (ou eczéma) chez le nourrisson (dès 3 mois), et des allergies alimentaires et peut se terminer par de l’asthme chez l’enfant". C’est ce que le Pr. Just appelle "la triple peine" voire "la quadruple peine" quand se rajoute une autre allergie comme la rhinite allergique aux acariens ; c’était le cas de Gregory.
La liste ne cesse d’être modifiée. L’asthme sévère inscrite dans le décret du 5 mai 2020 n’apparait plus dans le nouveau décret du 29 août sans explication. Ce dernier est suspendu car invalidé par le conseil d’état le 15 octobre et comme le précise le ministre de la Santé Olivier Véran "Elle est appelée à évoluer". Mais qu’en est-il entre asthme sévère et la Covid 19 ? La Gregory Pariente Foundation avec le soutien de ses deux experts pneumo-pédiatres, les Drs David Drummond (Hôpital Necker-Paris) et Carine Favre Metz précisait dans sa communication du 31 août 2020 : "Les dernières études publiées chez l’adulte donnent des arguments pour penser d’une part que l’asthme n’est pas un facteur de risque d’infection sévère à SARS-CoV2, et d’autre part que le SARS-CoV2 est moins pourvoyeur de crises d’asthme sévères que les autres virus respiratoires, notamment les autres coronavirus". Cette position est maintenue à ce jour.
La GPFD appelle à une vigilance double, à l’heure où cette période à risque d’exacerbations asthmatiques automno- hivernales se confronte à l’accélération de la reprise épidémique de Covid. Après l’augmentation habituelles des crises d’asthme en semaine 36 à 38 de rentrée scolaire, le dernier bilan hebdomadaire de Santé Publique France en semaine 42 au 20 octobre précise que les niveaux de recours pour asthme observés aux urgences sont légèrement supérieurs à ceux des 3 dernières années alors qu’ils reviennent dans des valeurs habituelles pour SOS Médecins après une légère augmentation en semaine 41 amenant à maintenir la vigilance dans les semaines à venir. Il est intéressant de noter que les 2 réseaux (urgences et SOS médecins), en lien avec la reprise scolaire post vacances de la Toussaint en semaine 45 ont enregistrés une augmentation des passages pour asthme en semaine 46 (respectivement +54% soit + 452 passages et +65% soit +109 actes).
L’ensemble des experts insistent "À l’adolescence, la prise de risque peut l’emporter sur l’observance d’un traitement et en dehors des crises, les jeunes ne voient pas toujours l’utilité d’un traitement quotidien" or "Les exacerbations asthmatiques automno-hivernales peuvent être plus sévères en cas d’arrêt des traitements de fond". En outre, comme toutes les vacances scolaires, celles de Noël sont à risque de relâchement dans la prise de leur traitement ; "Chez l’adolescent, plus vulnérable et plus difficile à contrôler, les crises d’asthme peuvent être particulièrement rapides et sévères" précise le Pr. Magnan.
"Il ne sert à rien de jouer sur la raison, de culpabiliser un adolescent ou de dramatiser mais plutôt de l’accompagner en privilégiant une identification positive : se donner les meilleures chances de mener une vie normale, comme les autres, ceux qui lui racontent que même asthmatiques, ils peuvent faire du sport, tous les sports... à condition seulement de suivre leur traitement" ajoute le Dr. Drummond.
Rendre l’adolescent responsable de sa propre maladie et l’aider dans l’apprentissage du contrôle de son asthme sont les prochains défis que la GPFD s’est donnée.
Si malgré un traitement adapté, l’asthme n’est pas contrôlé, il s’agit peut-être d’un asthme sévère ? Seul un pneumologue peut poser le diagnostic au terme d’un suivi de 6 à 12 mois après un bilan lourd et rigoureux qui passe par différentes étapes comme de vérifier que le non contrôle n’est pas le fait d’une mauvaise utilisation du dispositif d’inhalation ou d’une mauvaise observance du traitement ou d’une posologie insuffisante, que les facteurs déclenchants ont été identifiés et évités : allergènes (acariens, animaux, moisissures...) et polluants ou irritants de l’environnement intérieurs (tabac, bougies parfumées, déodorisant d’ambiance... ) ou pollution extérieure, enfin qu’il n’existe pas d’éventuelles comorbidités (reflux gastro-œsophagien, rhinite, obésité, contexte psychologique...).
"Car nécessitant dans un même lieu l’ensemble des compétences nécessaires à une prise en charge ultraspécialisée de l’asthme sévère tel que l’ORL, le radiologue, l’allergologue, le psychologue..." précise le Pr. Magnan.
Pour le Pr. Magnan, "Il reste beaucoup de progrès à faire, même si en quelques années, la prise en charge de l’asthme a beaucoup évolué. Chez certains, les traitements même les plus innovants sont insuffisamment efficaces notamment lorsque l’asthme est sévère. Je suis demandeur de nouvelles molécules avec des mécanismes d’actions non couverts à ce jour et des biomarqueurs fiables et il est indispensable que les progrès soient valorisés".
"Il n’y a pas l’asthme, il y a des asthmes, il y a autant d’asthmes que d’asthmatiques... un jour un traitement personnalisé pour chaque ado et chaque adulte asthmatique c’est notre objectif" conclut le Pr. Magnan.